.c.FORCALQUIER : DELAVAT;

 

L'Adjudant de Gendarmerie DELAVAT était, avec son Capitaine RIBOULET, l'élément-clé de la Résistance forcalquiérenne dans ce corps d'élite de l'armée.

C'est lui, entre autres services, qui avait averti ROSTAGNE de la descente nocturne de la Gestapo à son domicile et permis ainsi sa sauvegarde.

L'Occupant avait depuis quelque temps la Gendarmerie dans son collimateur et des Polonais amis - dont BIELAK père, entre autres - qui comprenaient l'allemand, avaient entendu certains Officiers teutons, au bistrot, qualifier entre eux la Gendarmerie de " nid de terroristes ".

Nous étions en Mai 1944 et je servais encore - de jour ! - comme dessinateur aux Ponts et Chaussées.

Le 27 Mai, alerte aux sirènes : sans nous presser, dactylos, dessinateurs, comptables et ingénieurs gagnons les tranchées-abri qui, en contrebas de la route, nous étaient affectées. Nous plaisantions de cette récréation que nous offrait involontairement un vol de bombardiers Alliés que nous regardions passer, haut dans le ciel vers le Nord, sous un soleil éclatant.

On chahute un peu avec nos chères dactylos, puis la fin de l'alerte sonne et nous regagnons sans hâte nos bureaux respectifs.

A peine étions-nous assis devant nos tables à dessin, MAGNAN et moi, qu'un bruit d'avion en piqué, strident, nous fait bondir… puis un grondement d'explosions, de détonations, d'effondrement de murs, nous couche au sol tandis que quelques vitres de notre fenêtre volent en éclats.

Téléphone… la poste ? la Mairie ? Je ne sais plus qui nous répond :

- C'est la Gendarmerie qui vient d'être bombardée !

Les ingénieurs DANTU et LAUGIER organisent immédiatement les premiers secours, la Gendarmerie étant très proche des " ponts " : nous arrivons sur les lieux avant même les services de première urgence… et le déblaiement commence, pierre après pierre, morceau de poutre après linteau de porte, dans une poussière irrespirable, jusqu'à notre relève par les corps compétents.

On devait retirer des décombres neuf cadavres : ceux de l'Adjudant DELAVAT et des gendarmes COURLET et BOYER, de trois femmes et de trois enfants de gendarmes, Mesdames DOL, SONNET et SOLYER, deux enfants SONNET et le petit Roger ROUX. Le Capitaine RIBOULET, sain et sauf, fut miraculé par une poutre qui, se couchant en biais, le protégea dans un angle du bâtiment.

Dans son oraison funèbre, lors des obsèques des victimes, le curé-doyen de FORCALQUIER fustigea les Américains, comme d'ailleurs beaucoup de Forcalquiérens de bonne foi.

Or notre enquête ultérieure nous démontra qu'il était impossible que cette action fut l'oeuvre d'appareils américains, parce que :

- 1 : Le bombardement de la Gendarmerie eut lieu plusieurs minutes après le signal de fin d'alerte, lui-même suivant de plusieurs minutes le passage du vol groupé Allié et l'on voit mal un bombardier " retardataire " (?) piquer sur la ville !

- 2 : La précision du largage des bombes après le piquet entendu était incompatible avec " l'arrosage dispersé " en haute altitude habituel aux avions américains, donc le bombardement ne pouvait qu'être le fait d'un chasseur-bombardier ou assimilé dont le rayon d'action n'était pas comparable avec celui, beaucoup plus grand, des appareils lourds américains, qui venaient je crois d'ITALIE.

- 3 : Il existait, près de LA BRILLANNE, un petit aérodrome utilisé par les Allemands au bénéfice d'avions de repérage, les "mouchards" mais qu'un chasseur porteur de bombes avait pu emprunter, profitant du passage des appareils américains pour faire d'une pierre deux coups : destruction du nid de terroristes et braquage de la population contre les Alliés.

- 4 : L'attitude des fantassins allemands d'Occupation qui, au lieu de prêter main-forte comme ils l'auraient fait - propagande oblige ! - si le crime avait été commis par les Américains, se " fendaient la gueule " et se tapaient joyeusement sur les cuisses en contemplant des hauteurs de SAINT-MARC, le spectacle des ruines fumantes en déblaiement. J'en fus témoin oculaire.

J'ai toujours été - et je reste encore, 45 ans plus tard - persuadé en mon intime conviction, que si le Capitaine RIBOULET, l'Adjudant DELAVAT et plusieurs gendarmes n'avaient pas fait partie de la Résistance, les neuf morts du 27 Mai 1944 n'auraient pas été à déplorer.

Cependant, chose étrange, la Résistance ne semble pas avoir revendiqué ces neuf victimes !

Document de réference

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